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Le 26 octobre, sortez tranquilles, c’est la marche des zombies !

marche-zombie-bordeauxLe 26 octobre aura lieu la 4e marche des zombies de Bordeaux, de la place de la Bourse à la place de la Victoire. Les Bordelais sont invités à y participer costumés et maquillés en morts-vivants. Cette manifestation festive sera accompagnée de l’élection de Miss Zombie, mais aussi d’un concours du meilleur costume et du meilleur maquillage. Le tout se fera au rythme endiablé des percussions africaines.

Tous zombies ?

Certains s’offusqueront du caractère macabre de cette parade. D’autres y ajouteront, comme ils l’ont fait au temps du succès commercial d’Halloween, la dénonciation de l’américanisation de la culture populaire. Ce seraient là deux mauvais procès. Après tout, l’art occidental n’a jamais, au cours de son histoire, hésité à représenter la souffrance et la mort. De plus, la culture populaire française ne produit presque plus rien sinon des œuvres aussi politisées que médiocres. Il n’y a donc rien de honteux à se tourner vers plus créatif.

À vrai dire, ce qui amuse et dégoûte réside dans la volonté de se donner en spectacle, sous l’apparence d’un corps mutilé et en putréfaction, dans la rue, devant un public qui n’a pas décidé d’y assister. Il ne s’agit pas de montrer l’horreur pour susciter une peur cathartique, mais de se complaire dans la pourriture et l’abjection pour égayer son quotidien et faire peur à papa.

Il fut un temps où les déguisements horrifiques étaient ceux des monstres des contes et des légendes de nos terres ou de leurs frontières. On se déguisait en vampire ou en créature de Frankenstein. Aujourd’hui, il faut se donner à voir comme la victime des monstres. Sordide victoire de l’idéologie victimaire et de celle, corollaire, de la vengeance cruelle et aveugle, car si le zombie est victime, il devient, à son tour, l’innocent dévorateur des vivants. Voilà à quoi est réduite notre jeunesse, mais faut-il s’étonner que de l’école des cadavres ne sortent que des charognes ?

Fiertés zombi-e-s ?

Il y en aura pour contester, à l’inverse, que l’on accorde tant d’importance à un défilé potache où les bourses universitaires finissent en un gigantesque potlatch de masques en latex ou de sang synthétique. En fin de compte, tout cela n’a guère plus de dimension politique que le carnaval, diront-ils. À ceux-là, il faut rétorquer que, justement, rien n’était plus politique que le carnaval.

Est-ce d’ailleurs un hasard si, l’an dernier, les fameux Indignés, depuis lors disparus dans les couloirs de la fonction publique, voulaient se mêler aux zombies ? Cela se serait fait si, dans un élan de lucidité ou de cynisme, Frank Bonhomme, l’organisateur de la marche des morts -vivants, ne les avait mis en garde contre le danger de se montrer trop honnête… Car, après tout, dans les deux cas il ne s’agit que de s’amuser en prétendant choquer, c’est juste que les uns l’assument plus que les autres.

Saturnales, carnaval, Zombie Pride ont, en effet, la même logique. Ce sont des catharsis qui, une fois l’an, offrent aux petits la consolation d’humilier les puissants en échange de l’acceptation docile de la sujétion pour le reste du temps… Cependant, la sauce ne prend pas. Saturnales ou carnaval, le peuple y croyait et était dans la rue ; aujourd’hui, à leur place, ne se trouvent que les fils et les filles des maîtres du jour qui s’encanaillent en zombie ou en Indignés — en attendant de devenir les maîtres des fils et des filles de ceux qui n’y sont pas.

Que voulez-vous ? le peuple garde, encore, ce petit peu de sagesse qui lui fait comprendre que l’ultime vexation est de voir ressusciter ses colères et ses combats sous la forme des grognements absurdes d’une horde funeste et furieuse de ces damnés zombies !

Comment survivre ?

Si les zombies sont dans nos rues, il faudra bien trouver un moyen d’y survivre. Les conseils pour ce faire sont aisés à trouver. Mais il sautera aux yeux, même à ceux du néophyte en matière d’apocalypse zombie, que la tronçonneuse et le fusil à canon lisse qu’il trouvera partout suggérés ne sont en aucun cas adaptés à l’invasion dont il est question ici. Il ne faut pas confondre la fiction et la réalité bien que ces manifestants d’un nouveau genre travaillent à la confusion.

En la matière, tout ce que l’honnête homme peut espérer c’est qu’il n’y en aura pas pour se déguiser en zombie nazi (un concept à la mode) car, pour le coup, certains pourraient se sentir légitimes dans l’usage de la violence et jouer les Clément Méric.

En vérité, il n’y aura aucune mesure spécifique à prendre ce jour-là. Qu’est-ce qu’un zombie ? Un cadavre qui marche, un être à l’activité neuronale réduite à l’animalité la plus sommaire : manger. Un être mort, au regard vide qui ne cherche qu’à consommer. Vous voyez bien, les déguisements, qu’ils porteront ce jour, ne changeront à la réalité. Les zombies sont déjà là, partout.

Parcourez, un samedi après-midi, la rue Sainte-Catherine, regardez donc toutes ces âmes vides, tous ces regards creux, tous ces êtres qu’anime le désir de la vitrine, de l’objet inutile qu’il leur faut acheter, dévorer, consommer, consumer. En quoi diffèrent-ils des zombies des films ? En rien. Ce 26 octobre, sortez donc tranquilles et en paix : rien ne sera autre que la veille ou que le lendemain. Ils sont morts et vous êtes vivants, voilà tout.

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